PINASSE SI REINE
(un mot pour un autre)

Alanguie sur un banc
elle est fine et cambrée
au hasard des marées
elle caresse l'écume
de ses clins embrasés

à l'aurore voilée
la tonture légère
elle t’invite à virer
à courir sur son erre
les plaisirs éphémères

au près sous la brise
elle s'abandonne
tire quelques bords
louvoie aux pignots
glisse loin de la rive

la lèvre cinglante
d'une vague rebelle
effleurant l'étambot
la fait doucement vibrer
des membrures au très haut rocambeau

un bouchain qui talonne?
je choque regarde
mon amure ton maître beau
a fière allure ardent
dans le lis du vent

mais déjà elle tangue
comme Gainsbourg
je titube accoudé à la barre
ah! j'avais eu vent debout
bitures véliques

belle naturelle
sirène des embruns
fille de l'air fille de joies
comme Ulysse au mât
là c'est moi qui écope

courant hypnotique
ton sillage fil d'Ariane
me fait prendre le cap
d’une balade homérique
vers un puits de dérives

indolence inédite
euphorique et propice
aux risées à malices
tillac horizon des bordés
soudain tout ça gîte

vrac paquet amers égarés
tolet coup de barre affalé
largué orgueilleux tangon
jouissance déjà envolée
l’âme comme estropée

estrangeys du dimanche
pinasseyres buveurs de flotte
barrez ces quelques planches
et comme des fées de Daney
c’est l’idée de s’en éloigner
que très vite la Pinasse ôte…